45% des français vivent aujourd’hui en résidence collective, mais équiper en borne de recharge un parking en copropriété reste compliqué, ce qui freine l’adoption de la mobilité électrique. Depuis début 2022, l’offre Logivolt, développée par la banque des territoires, permet d’accompagner opérateurs et copropriétés en finançant l’infrastructure collective sans reste à charge, et connait un vif succès. Patrick Kic, président et cofondateur de Waat, l’un des opérateurs les plus actifs en copropriété, a accepté de nous recevoir pour évoquer la façon dont Waat se structure pour faire face à cette demande exponentielle, les perspectives et la dynamique du marché de la recharge électrique sur lequel Waat compte bien se distinguer…
La société a été créée il y a 4 ans, avec pour objectif l’installation, le maintien et la supervision de bornes de recharge, et l’accompagnement de ses utilisateurs, notamment sur la facturation des usages sur les bornes, principalement dans le tertiaire et pour les flottes de véhicules.
Waat se concentre sur trois segments : les copropriétés, son cœur de métier, les bailleurs sociaux, et le secteur tertiaire, qui regroupe l’équipement d’immeubles de bureau, d’hôtels et restaurants, de centres commerciaux…
Cette start-up compte déjà 4000 copropriétés signées à cette date, et plus de 8000 points de recharge installés sur les 3 segments visés. Avec une croissance exponentielle depuis 2021. Le marché a brusquement explosé, et la société se structure pour y faire face ! La jeune pousse compte aujourd’hui 160 collaborateurs, avec un recrutement actif d’environ 10 personnes par mois pour suivre la croissance.
L’innovation : Proposer à ses clients une application (MyWaat), qui permet à l’utilisateur d’une borne d’avoir toutes les informations utiles sur sa propre borne (utilisation, consommation, supervision, etc), mais aussi offre un service de recharge sur tout type de points de charge en France, sur les bornes publiques déployées par Waat ou en itinérance hors du réseau Waat.
Jusqu’à mi 2022, la structure ne dépendait que de ses fonds propres apportés par son groupe d’actionnaires historique, et a décidé de lancer un 1ere levée de fonds cet été, sous forme d’une participation minoritaire à hauteur de 30M€ du fonds Raise impact, connu pour sa politique en faveur des entreprises à impact mettant en avant des objectifs RSE forts.
Objectif de cette levée : là encore, se structurer pour faire face à la croissance exponentielle de l’activité. La levée sera donc exclusivement de l’investissement interne avec 3 leviers :
(« Aucune contre référence commerciale ou de travaux »), notamment sur la gestion des bornes et leur maintenance. Waat souhaite notamment créer une école de formation professionnelle d’électriciens spécialisés sur les IRVE.
En matière d’organisation, en parallèle des embauches prévues, Waat se structure pour optimiser son service et industrialiser son fonctionnement :
Jusqu’à 2022, deux types d’offres étaient disponibles pour installer une infrastructure de recharge en copropriété, que Patrick Kic schématise ainsi :
Pour Patrick Kic, ces deux systèmes ne permettaient pas un développement satisfaisant de l’équipement et avaient chacun leurs défauts. Il a donc participé avec la Caisse des dépôts à la création d’un 3 mécanisme plus vertueux, alliant les avantages des deux systèmes : une offre de financement de l’infrastructure, indépendante de l’opérateur et portée par la banque des territoires, baptisée Logivolt, sans reste à charge pour la copropriété, et offrant la propriété de l’infrastructure à la copropriété à la fin de la convention de financement. Logivolt a démarré début 2022 et a rapidement prouvé son efficacité, en débloquant les freins à l’équipement en copropriété.
Si Waat commercialise toujours les trois offres, l’offre Logivolt représente aujourd’hui plus de 80% de son activité en copropriété. Plus de 60 immeubles votent chaque semaine en faveur de cette solution avec Waat, c’est donc un volant d’activité très important, avec une dynamique qui s’accélère vite : jusqu’en 2020, c’était 5 par semaine !
Waat dédie principalement les deux autres offres aux situations dans lesquelles la solution Logivolt ne peut pas s’appliquer : pour les parkings de moins de 20 places, Waat préfère financer lui-même l’infrastructure, et pour les parkings extérieurs, Waat propose toujours une offre de financement par la copropriété. L’objectif de Patrick Kic est de pouvoir toujours proposer une solution viable adaptée à la situation de chaque immeuble.
L’offre Enedis de « colonne horizontale » est une offre concurrente pour Waat ; elle présente également l’avantage d’être sans appel de fonds pour la copropriété, mais est de nature différente de celle proposée par les opérateurs, ce qui permettra aux copropriétés de choisir l’offre la plus adaptée pour elles.
Pour Patrick Kic, l’inconvénient de la solution proposée par Enedis est que tous les demandeurs de bornes auront à rembourser la quote part de cet investissement à Enedis (quote part dont le montant doit être prochainement précisé par arrété ministériel), alors que Waat prend à sa charge le remboursement de chaque raccordement Logivolt. Par ailleurs, avec la solution publique, l’infrastructure n’est pas propriété de l’immeuble.
Patrick Kic constate que la dynamique s’est nettement accélérée depuis début 2021, sous une combinaison de facteurs : prise de conscience écologique, meilleure connaissance des solutions, augmentation de la demande de bornes et du parc de véhicules électriques, notamment sous l’impact indirect des lois obligeant les flottes d’entreprises à se « verdir », les subventions publiques etc.
Waat constate aujourd’hui dès la première année d’installation de ses parkings, un taux d’équipement électrique d’environ 10% des places, ce qui est très encourageant. Il y a deux ans, il y avait moins de 3% de demandes d’électrification par parking.
Waat bénéficie aussi de l’effet d’accélération de l’équipement des entreprises via ses propres clients entreprises, qui demandent d’équiper les immeubles de leurs employés.
Le défi de la crise énergétique : une pression à la hausse de l’électricité… mais Waat rappelle que malgré tout la recharge électrique reste durablement très compétitive face à l’essence.
Waat, comme tous les opérateurs, achète l’électricité en gros et la revend à ses clients pour alimenter leurs bornes. Waat s’efforce de maintenir des prix bas sur l’électricité, et a pour l’instant réussi à conserver son positionnement sans répercuter de hausse tarifaire à ses clients, grâce à ses augmentations de volumes d’achat.
Mais la pression à la hausse des coûts de l’électricité a contraint Waat de modifier sa structure tarifaire, qui incluait précédemment un forfait borne + électricité : Waat a pris le parti de refléter désormais de façon transparente le coût de l’électricité en la revendant au client à son prix d’achat.
Cependant, P. Kic insiste sur le fait que le coût d’usage des véhicules électrique, même avec ces hausses, reste très inférieur à celui des véhicules thermiques (environ moitié moins cher), ce qui reste un argument durable pour passer à l’électrique.
Enfin, Waat a formé une association professionnelle avec ses concurrents impliqués dans l’électrification des copropriétés, l’AFOR, qui plaide auprès des pouvoirs publics, pour pouvoir bénéficier du tarif réglementé de l’électricité ou du bouclier tarifaire, car ces acteurs ne font qu’acheter en gros de l’électricité qu’ils refacturent ensuite à leurs clients. Pour toutes les bornes installées en copropriété, le client final est un particulier, et devrait par nature bénéficier de ce dispositif. Les récentes annonces de l’Elysée sur l’extension du bouclier tarifaires aux bornes de recharge, semblent aller dans ce sens, et Waat espère rapidement de bonnes nouvelles pour l’ensemble de la branche.
Bref, Waat montre un beau dynamisme !
Benoit CHAMOUX